Introduction à « Pâques 57 et à Ecriture plurielle »

Philippe ACKERMANN
Psychologue Centre hospitalier Mulhouse, président de l'APOHR
Si l’on vous demandait, à l’exemple de Nicolle Carré, (psychanalyste et théologienne)1 , de compléter la phrase : « Quand la maladie s’aggrave.. » Que diriez-vous ? Qu’écrieriez-vous ?
Ce qui nous vient spontanément à l’esprit, dit-elle, « est très différent suivant le lieu en nous qui va entendre la question. S’agit-il de moi ? de moi personnellement ? de moi soignant ?  s’agit il d’un autre ? Cet autre justement dont la maladie s’aggrave quel est il pour nous ? A quoi nous renvoie-t-il ? » 

Nicolle Carré ajoute avec beaucoup de pertinence « qu’il y a bien des colloques, des débats sur le cancer, sur les malades atteints de cancer, mais ceux qui sont concernés y ont rarement la parole. Chacun reste ainsi dans son monde et c’est parfois bien confortable.  Il est vrai qu’il est souvent difficile d’être confronté à ceux dont la maladie s’aggrave dans nos pratiques et surtout dans un cadre inhabituel comme celui d’une journée de travail qui rassemble des professionnels. Il nous est difficile de nous dire que les malades, ceux dont la maladie s’aggravent et que nous rencontrons tous les jours  sont peut être le miroir de notre avenir. A cette difficulté nous opposons facilement notre engagement dans les soins que nous apportons,  les accompagnements que nous proposons alors que ceux ci, (c’est une question qui apparaîtra sans doute au cours de nos échanges),  sont peut être aussi une façon de chercher à maîtriser, à gérer ce que l’aggravation de la maladie suscite chez chacun ». 

Nous avons pris une option il y a déjà bien longtemps dans ces journées, c’est de faire une place à la parole des malades. Cette parole, nous l’avons rendue présente les années dernières de façon à chaque fois différente et nous pensons que la place que nous lui accordons « colore » de façon particulière nos échanges. 

Cette année nous avons fait le choix de faire entendre un texte de Jean Paul de Dadelsen que je laisse à BB le soin de vous  présenter. Il  sera suivi par d’autres textes écrits en écho à cette lecture, librement inspirés par celle ci. Nous avons écrit ces textes dans le cadre d’un atelier d’écriture animé par BB. 

Ces textes trouvent leurs sources dans l’expérience vécue de chacun et reflètent la diversité de nos sensibilités. Ils n’ont bien sur aucune prétention littéraire mais leurs constructions et aussi, à notre grande surprise, leurs facilités d ‘écriture viennent mettrent en évidence le travail associatif propre à chacun, travail qui se nourrit de l’expérience sensible, de l’orientation professionnelle, de rencontres diverses. 
La ligne directrice de ce temps d’écriture a été, comme le dit Bernard Beuvelot, « de laisser le sensible se dire et témoigner de soi » sans chercher en aucune façon à « analyser » ces productions. 

Une des réponses possibles à l’une des questions posées dans l’argument  de la journée « comment, pour le professionnel, accompagner quelqu‘un qui va mourir, au travers d’une relation vraie sans se laisser envahir par la lassitude, ses propres angoisses et souffrances, au risque de voir débordées ses capacités à prendre soin » réside peut être dans ce travail associatif, dans le fait de garder et de toujours « nourrir » le lien avec sa sensibilité, son imaginaire.. 

Bernard Beuvelot  est comédien, metteur en scène, longtemps directeur du Théâtre du Jarnisy
 

1 Carré N. Quand les forces s’en vont.  Autrement 1987 (87) p.27