Introduction
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Richard SCHWALD
Président de séance Médecin coordinateur Réseau Accompagnement et Soint Palliatifs Alsace Nord (ASPAN) Médecin à l'USP de la Clinique de la Toussaint, Strasbourg - Durée
Pour introduire cette 12ème Journée Haut-rhinoise de Psycho-Oncologie, j’aimerais vous faire part de quelques réflexions que m’a inspirées le thème de cette journée : « Quand le cancer ne guérit pas ».
L’énoncé du thème de cette journée « quand le cancer ne guérit pas » n’est évidemment pas le fait du hasard.
LES ORIGINES DE « GUERIR »:
Guérir est issu du francique warjan, « défendre, protéger », (sens que l’on retrouve encore de nos jours dans garantir et guérite) qui se transformera engarir puis guarir.
Du sens initial seront dérivées des significations progressives de :
Du sens initial seront dérivées des significations progressives de :
QUEL EST LE SUJET DU VERBE GUERIR ?
Guérir a cette particularité qu’il peut avoir pour sujet :
Puisque le titre choisi a été « quand le cancer guérit », pourrait-on imaginer dissocier 2 trajectoires, celle d’un cancer et celle du sujet atteint d’un cancer ?
Pourrait-on imaginer une guérison de l’un qui ne serait pas guérison de l’autre ?
Puisque le titre choisi a été « quand le cancer guérit », pourrait-on imaginer dissocier 2 trajectoires, celle d’un cancer et celle du sujet atteint d’un cancer ?
Pourrait-on imaginer une guérison de l’un qui ne serait pas guérison de l’autre ?
La première situation, celle d’un cancéreux considéré comme guéri, mais ne se sentant pas guéri, est loin d’être rare:
Une personne ayant traversé l’épreuve d’un cancer peut-elle se sentir guérie ? Être considéré guéri (du point de vue du médecin) et se sentir guéri(du point de vue du patient) ne sont pas la même chose.
L’inverse, bien plus rare, semble aussi a priori plus improbable : lorsque le cancer ne guérit pas, le sujet peut-il guérir tout de même ? Et guérir de quoi ?
La guérison peut-elle être d’une autre nature que celle du corps malade ?
Des exemples célèbres nous sont fournis par la littérature :
Des exemples célèbres nous sont fournis par la littérature :
QUAND LE CANCER NE GUÉRIT PAS : LA LITTERATURE
Me revient en premier le souvenir d’un livre au titre provocateur des années 70 : « La maladie, une bénédiction ». Dr. MEES, médecin hollandais, invitait à considérer le cancer non pas comme une entrave mais comme un fait biographique, la guérison étant dans le projet de « prendre en charge la tâche de la maladie ».
« Mars » de Fritz ZORN (rage) (qui s’appelait en fait ANGST - angoisse) : de ce jeune homme, « éduqué à mort », l’approche terrifiante de la mort fait un rebelle et un homme libre, lui permettant de savoir où il en est, (et cela, n’est-ce pas guérir de la névrose ?)
« La question de cancer se présente d’une double manière : d’une part c’est une maladie du corps, dont il est bien probable que je mourrai prochainement, mais peut-être aussi puis-je la vaincre et survivre ; d’autre part c’est une maladie de l’âme, dont je ne puis dire qu’une chose : c’est une chance qu’elle se soit enfin déclarée »
« Le livre de Pierre » : entretiens de Louise LAMBRICHS avec Pierre CAZENAVE, psychanalyste atteint d’un cancer pendant 15 ans, qui ne se définissait pas comme « ayant un cancer » mais comme « cancéreux » :
« Quand on m’a annoncé mon cancer, j’ai compris que je l’avais toujours eu. C’était mon identité ».
« Le malade peut-il accueillir sa maladie non comme une catastrophe accidentelle, mais comme une vérité qui le concerne intimement, une conséquence obscure de son histoire ? »
Dans les « Derniers fragments d’un long voyage » Christiane SINGER donne un exemple saisissant de cette capacité à ne pas se laisser réduire à la maladie :
« Ne nous laissons pas emprisonner dans cette part de nous qui est vouée à la mort. » ;
Elle va même plus loin : « en posant l’aventure en termes de maladie et de guérison, on fait totalement fausse route : je n’ai pas eu de maladie et je ne guéris de rien ; J’ai traversé un violent procès alchimique. C’est tout. Et je continue de la traverser. »
« Mars » de Fritz ZORN (rage) (qui s’appelait en fait ANGST - angoisse) : de ce jeune homme, « éduqué à mort », l’approche terrifiante de la mort fait un rebelle et un homme libre, lui permettant de savoir où il en est, (et cela, n’est-ce pas guérir de la névrose ?)
« La question de cancer se présente d’une double manière : d’une part c’est une maladie du corps, dont il est bien probable que je mourrai prochainement, mais peut-être aussi puis-je la vaincre et survivre ; d’autre part c’est une maladie de l’âme, dont je ne puis dire qu’une chose : c’est une chance qu’elle se soit enfin déclarée »
« Le livre de Pierre » : entretiens de Louise LAMBRICHS avec Pierre CAZENAVE, psychanalyste atteint d’un cancer pendant 15 ans, qui ne se définissait pas comme « ayant un cancer » mais comme « cancéreux » :
« Quand on m’a annoncé mon cancer, j’ai compris que je l’avais toujours eu. C’était mon identité ».
« Le malade peut-il accueillir sa maladie non comme une catastrophe accidentelle, mais comme une vérité qui le concerne intimement, une conséquence obscure de son histoire ? »
Dans les « Derniers fragments d’un long voyage » Christiane SINGER donne un exemple saisissant de cette capacité à ne pas se laisser réduire à la maladie :
« Ne nous laissons pas emprisonner dans cette part de nous qui est vouée à la mort. » ;
Elle va même plus loin : « en posant l’aventure en termes de maladie et de guérison, on fait totalement fausse route : je n’ai pas eu de maladie et je ne guéris de rien ; J’ai traversé un violent procès alchimique. C’est tout. Et je continue de la traverser. »
HISTOIRES VECUES
Tout le monde ne possède pas ce talent d’écrivain, ni cette capacité de guérison spirituelle par-delà la non guérison de la maladie. Mais pour bien des personnes malades, l’épreuve de la maladie grave conduit à interroger le sens et les valeurs de leur vie.
Me reviennent en mémoire des expériences personnelles de malades qui à leur façon nous disent tout ce que n’altère pas la maladie en eux, ces malades « rebelles de la vie » qui nous surprennent et parfois en deviennent « inconfortables », voire indésirables, parce qu’ils se refusent au modèle de malade qui leur est proposé.
Me reviennent en mémoire des expériences personnelles de malades qui à leur façon nous disent tout ce que n’altère pas la maladie en eux, ces malades « rebelles de la vie » qui nous surprennent et parfois en deviennent « inconfortables », voire indésirables, parce qu’ils se refusent au modèle de malade qui leur est proposé.
AUPRES DE CELUI DONT LE CANCER NE GUERIT PAS
Quand le cancer ne guérit pas, tous les malades ne sont pas artistes, sublimes ou rebellesQu’en est-il de ces malades dont nous connaissons le parcours médical presque stéréotypé, succession d’espoirs, de défaites, de pertes, dont nous sommes témoins et que nous avons parfois à nommer ?
A défaut de ne pouvoir guérir, peuvent-ils au moins VIVRE malgré ou avec le cancer qui ne guérit pas ?
Il y est question du temps et de l’attente :
Il y est question d’espoir :
Il y est question de silence et de la parole :
Les soins palliatifs :
Lorsqu’enfin ces patients nous sont confiés à l’Unité de Soins Palliatifs parce « qu’il n’y a plus rien à faire », qu’attend-on et qu’attendons-nous de cette ultime étape ?
Ce qui est difficile, c’est échapper aux malentendus de l’accompagnement, au nom d’un idéal de fin de vie, prétendant préserver l’autre d’une violence en « sachant et voulant » à sa place
Ce qui est difficile, c’est que les places bien établies sont difficiles à quitter :
Ce qui est difficile, c’est que l’essentiel se passe ailleurs :